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Nominations du prix Léon-Dion 2025

Le prix Léon-Dion est décerné, tous les deux ans, à l’auteur·e du meilleur article paru dans la revue Politique et Sociétés. Le ou le récipiendaire est choisi par un comité de sélection mis en place par le comité des candidatures du Conseil d’administration de la Société québécoise de science politique.

Membres du jury du prix 2025 :

  • Adib Bencherif, Université de Sherbrooke
  • Roromme Chantal, Université de Moncton
  • Éléna Choquette, Université du Québec en Outaouais
  • Sule Tomkinson, Université Laval

Le prix sera remis au cours du 62ème Congrès annuel de la Société québécoise de science politique (SQSP), qui sera tenu à l’Université du Québec à Montréal du 21 au 23 mai 2025.

Veillette, Anne-Marie « La vision, la voix et le corps pour un féminisme du bord : repenser les épistémologies féministes en science politique ». Politique et Sociétés 42, no 1 (2023) : 111–134. https://doi.org/10.7202/1095650ar

Au cours des dernières années, une plus grande représentation (ou mainstreaming) du genre au sein de la discipline de science politique a presque unanimement été saluée comme une avancée majeure. Dans cet article rigoureusement documenté et théoriquement informé, Anne-Marie Veillette reconnaît cette avancée, mais estime qu’elle ne porte pas directement sur les dynamiques de pouvoir à l’œuvre dans la production de savoirs. L’un des points forts de son article est de démontrer de manière convaincante que la principale difficulté à intégrer non seulement le genre comme catégorie d’analyse, mais une perspective féministe à la science politique, est de nature épistémologique et réside dans l’andro- et l’eurocentrisme de la discipline. S’inspirant du contexte québécois, et en se fondant sur les contributions des théories du point de vue situé, des théories critiques, post- et néocoloniales liées à la notion de voix, et sur le corps, l’article propose une perspective originale, appelée « féminisme du bord », dont, au plan heuristique, le principal mérite réside dans une combinaison féconde qu’il fait de notions telles l’interrelationnalité, la translocalisation et la transdisciplinarité comme axes épistémologiques centraux.

Martineau, Jonathan et Durand Folco, Jonathan « Paradoxe de l’accélération des rythmes de vie et capitalisme contemporain : les catégories sociales de temps à l’ère des technologies algorithmiques ». Politique et Sociétés 42, no 3 (2023) : 11–37. https://doi.org/10.7202/1093290ar

Cet article propose une thèse percutante : dans la phase avancée du capitalisme, le travail est non seulement capté par le capital, mais le temps de loisir l’est aussi. Autrement dit, ces heures discrétionnaires—ni travail salarié, ni travail domestique—ces heures que le mouvement ouvrier a contribué à soustraire aux impératifs de la production, sont de plus en plus captées et exploitées par le marché. Cette appropriation s’opère notamment par l’intermédiaire du temps d’attention passé à l’écran, un temps monnayé par les géants de la technologie comme Meta et Google.

Ancré dans les études critiques du capitalisme, l’article mobilise une perspective féministe et parfois intersectionnelle, en analysant la division sexuelle du travail et les pratiques quotidiennes. Par ses contributions théoriques et empiriques, il ouvre de nouvelles pistes de réflexion sur la marchandisation du temps et ses implications politiques. Malgré l’usage ponctuel d’un vocabulaire technique, il est d’une grande lisibilité, rendant ses conclusions à la fois bien soutenues et accessibles.

Zoghlami, Khaoula « « Parfois on écrase notre égo pour ne pas dire les choses » : fardeau de la représentation et pratiques affectives racialisées ». Politique et Sociétés 43, no 1 (2024) : 75–113. https://doi.org/10.7202/1110578ar

Qu’on cherche à nommer le racisme ou à en minimiser l’existence, un constat s’impose : les controverses qu’il suscite sont traversées par une intensité émotionnelle indéniable. C’est précisément à ces dynamiques affectives que s’intéresse cet article en explorant l’expérience du fardeau de la représentation telle qu’elle est vécue par des porte-parole engagé·e·s dans la lutte antiraciste au Québec. À partir d’un corpus d’entretiens riche et d’un cadre théorique ancré dans les études critiques de la représentation, des affects et des approches décoloniales, Khaoula Zoghlami parvient à éclairer les ambivalences profondes qui accompagnent le rôle de porte-parole. L’approche est à la fois rigoureuse sur le plan empirique et innovante sur le plan théorique, en dévoilant comment la racialisation affecte non seulement les discours, mais aussi les exigences émotionnelles associées au travail de représentation. Cette contribution importante invite à repenser en profondeur les normes affectives en jeu dans la lutte antiraciste et les rapports de pouvoir qui les sous-tendent.